Comment définiriez-vous l’identité numérique et quels sont ses composants essentiels dans le contexte français ?

L’identité numérique repose sur deux processus fondamentaux : l’identification électronique, qui détermine qui je suis, et l’authentification, qui définit comment je prouve que je suis bien cette personne. Ces deux éléments sont essentiels pour la lettre recommandée électronique, qui exige une vérification rigoureuse de l’identité tant de l’expéditeur que du destinataire.

En France comme en Europe, l’identité numérique est un outil de simplification des démarches et de lutte contre la fraude.

L’écosystème français de l’identité numérique s’articule autour de trois rôles clés : les utilisateurs finaux (citoyens ou entreprises), les fournisseurs de services en ligne (impôts, Compte Personnel de Formation…) et les fournisseurs d’identité ou de portefeuilles d’identité. Pour la LRE, s’ajoutent les prestataires qualifiés par l’ANSSI pour fournir ce service.

Quel est son intérêt dans le cas de la LRE ?

La lettre recommandée électronique repose sur des processus de vérification d’identité. En effet, pour envoyer une LRE, l’utilisateur doit choisir un prestataire qualifié par l’ANSSI, prouver son identité (généralement en présentant une pièce d’identité), puis s’authentifier pour chaque envoi. Pour le destinataire, la réception implique également une vérification d’identité et une authentification.

L’identité numérique peut simplifier drastiquement ce processus. Si l’expéditeur et le destinataire possèdent déjà une identité numérique vérifiée, la phase de vérification initiale d’identité devient inutile. Ils peuvent directement s’authentifier. On peut alors, en toute simplicité, profiter de ses avantages : gain de temps, économies et sécurité juridique renforcée.

Où en est aujourd’hui le déploiement de l’identité numérique en France ?

La France a atteint, grâce à des fournisseurs d’identités publics mais également des fournisseurs d’identités privés, environ 8 millions d’identités numériques au niveau substantiel de sécurité (niveau intermédiaire entre les niveaux faible et élevé), ce qui représente environ 13 % de couverture. Ce chiffre reste modeste comparé à des pays comme le Danemark ou l’Estonie, qui approchent les 100% d’adoption.

Pour assurer une adoption plus large, les services de l’Etat impliqués (dont la DGE) et les industriels travaillent sur deux leviers complémentaires.

D’abord, nous poursuivons le déploiement technique pour augmenter la couverture d’applications compatibles. Ainsi, la France participe à plusieurs consortiums européens d’expérimentation. Notre pays pilote notamment le consortium « Potential », qui teste des cas d’usage comme l’ouverture de comptes bancaires en ligne ou la signature électronique qualifiée. Nous contribuons également au consortium « We Build », axé sur l’identité numérique pour les personnes morales.

Ensuite, nous menons un important travail de conduite du changement. L’expérience montre que lorsqu’un cas d’usage présente une utilité évidente – comme lors des dernières élections avec les procurations en ligne – les réticences s’estompent naturellement.

Nous observons déjà des signaux encourageants : selon le baromètre de l’ACSEL (Association de l’économie numérique), 70 % des Français considèrent la création d’une identité numérique certifiée comme utile et sécurisante. Le défi consiste maintenant à transformer cette perception positive en usage concret.

Quelles sont les principales évolutions prévues ?

Le règlement européen eIDAS2, adopté en mai 2024, prévoit l’obligation pour les Etats membres de proposer à leur population des portefeuilles européens d’identités numériques d’ici à novembre 2026. Cet outil permettra de stocker non seulement des preuves d’identité, mais aussi divers documents et attestations. L’objectif est de garantir l’interopérabilité entre tous les États membres, facilitant ainsi les échanges transfrontaliers. L’ambition est de créer un écosystème numérique européen unifié et sécurisé.

Quels seront les bénéfices pour les entreprises, notamment dans le cas de la LRE ?

Pour les entreprises, l’identité numérique simplifie considérablement certains processus réglementaires. Par exemple, de nombreuses réglementations sectorielles imposent aux entreprises de prouver qu’elles connaissent leurs fournisseurs (« Know Your Supplier »), sans préciser comment y parvenir. Le cadre réglementaire européen de l’identité numérique pourra offrir un moyen simple et standardisé d’effectuer cette vérification.

Dans le domaine des lettres recommandées électroniques (LRE), l’identité numérique permet d’optimiser et de fiabiliser le processus de vérification d’identité tant pour l’émetteur que pour le récepteur. Avec un portefeuille d’identité numérique européen, cette étape sera considérablement simplifiée et pourra s’appliquer à une échelle continentale. C’est l’un des multiples cas d’usage qui bénéficieront du nouveau règlement : signature électronique, transactions, procédures administratives…

Quel regard portez-vous sur l’avenir de l’identité numérique ?

eIDAS2 incarne parfaitement la vision européenne du numérique. Le règlement s’appuie sur des standards ouverts, permettant à chaque pays de développer ses propres solutions tout en garantissant l’interopérabilité. Cette approche renforce la maîtrise que les utilisateurs ont de leurs données personnelles, dans le prolongement du RGPD.

Le règlement introduit notamment le principe de divulgation sélective, permettant aux utilisateurs de choisir précisément quelles données ils souhaitent partager, avec qui et pour quelle durée. Des tableaux de bord permettront également de révoquer ces autorisations à tout moment.

Cette approche fondée sur des standards ouverts et la maîtrise citoyenne des données constitue une spécificité très européenne. Elle nous distingue d’autres modèles internationaux et contribue directement à notre souveraineté numérique. Il est essentiel que nous disposions d’entreprises et d’entités capables de respecter ces règles du jeu.

En définitive, eIDAS2 a été conçu pour conforter la souveraineté numérique européenne, en fixant un cadre à la fois protecteur pour les citoyens, et favorable à l’innovation pour les entreprises.

La lettre recommandée électronique : toutes les bonnes raisons de l’adopter !