Quelle place pour l’IA dans les processus de facturation électronique ?

Dans les coulisses de la transformation numérique des entreprises, une révolution silencieuse mais profonde s’opère : l’intelligence artificielle redessine les contours de la facturation électronique.

Fini le temps des simples lectures optiques de caractères. L’IA permet aujourd’hui une approche radicalement nouvelle pour extraire plus précisément les informations des documents non structurés. « Nous avons surpassé les technologies d’OCR (optical character recognition – reconnaissance optique de caractères) traditionnelles basées sur la position des données. L’IA est capable de faire de l’analyse sémantique, de comprendre le sens même des mots », explique François Quais, directeur de la Business Unit Facturation Électronique chez Tessi. Cette dimension sémantique permet de décrypter le contenu des factures quelle que soit leur place et présentation au sein du document. L’IA repère intuitivement les montants, dates et références essentielles, même face à des formats différents, tout en signalant les irrégularités potentielles.

« L’IA est également capable d’apprentissage, nos modèles analysent des volumes considérables de factures pour comprendre comment identifier, classer les flux et les acheminer selon des règles spécifiques », explique François Quais. Cette capacité booste les taux d’automatisation et diminue la gestion des exceptions, limitant les interventions humaines.

Les solutions enrichies par l’IA offrent aussi une analyse et une visualisation nettement plus sophistiquées. « Notre technologie permet notamment l’imputation automatique des factures à un axe analytique. L’IA interprète les données de la facture pour réaliser directement l’opération ou suggérer des options pertinentes au comptable », souligne François Quais. Les équipes financières bénéficient ainsi d’une vision actualisée et précise de leur situation, transformant de simples outils de facturation en véritables systèmes d’aide à la décision.

Quels bénéfices pour les entreprises ?

Cette convergence entre IA et facturation électronique génère des gains concrets, notamment en termes de performance financière. Les délais de traitement étant réduits, le DSO (Days Sales Outstanding) est optimisé, la trésorerie améliorée et les pénalités liées aux retards limitées.

La réduction des litiges et des anomalies constitue un autre avantage majeur de la facture électronique, avec des taux de fiabilité qui approchent désormais les 100 %, contre 80-90 % auparavant. En cause : la réduction des risques d’erreurs liés aux interventions humaines.

« L’IA permet aussi de réduire la fraude, notamment pour le paiement des fournisseurs, souligne François Quais. Certaines technologies nous permettent de fiabiliser la mise au paiement en partie par la gestion des RIB, en vérifiant que les comptes sont bien liés aux bons fournisseurs. Nous pouvons également effectuer des contrôles de cohérence dans les données de facturation pour s’assurer qu’elles sont conformes à ce qui a été commandé et livré. »

Enfin, grâce à l’IA, le respect des exigences légales en France et à l’international est plus accessible. Par exemple, pour répondre à la complexité de la réforme qui impose des formats précis et des contrôles rigoureux selon la typologie de facture (B2B, B2C, international), Tessi a développé un module d’éligibilité innovant. « Dès la réception d’un flux client, nous sommes capables de savoir de quelle nature est la facture et de déclencher les bons traitements de compliance, que ce soit pour la France ou l’international », s’enthousiasme François Quais. Cette conformité automatisée réduit les risques de sanctions et simplifie considérablement la gestion multi-pays, un enjeu crucial pour les entreprises internationales confrontées à des réglementations diverses.

Et demain ?

L’évolution des solutions ne s’arrête pas aux applications actuelles. Tessi travaille déjà sur plusieurs axes d’innovation qui dessinent le futur de la facturation électronique.

« Nous voulons travailler sur le prédictif, c’est-à-dire utiliser toutes les informations disponibles pour aider à la décision ou anticiper des litiges ou des problèmes sur une facture », indique François Quais. Cette approche permettra d’identifier en amont les risques potentiels et d’intervenir avant même que les problèmes ne surviennent. Pour cela, Tessi collabore étroitement avec ses clients afin d’enrichir les données disponibles et d’affiner les modèles prédictifs.

Une innovation particulièrement attendue est le pré-remplissage automatique d’un formulaire aidant à la validation de ses déclarations de TVA (CA3), à l’image du pré-remplissage des déclarations d’impôts pour les particuliers. Une évolution logique pour François Quais « étant donné que nous sommes le réceptacle de l’ensemble des factures fournisseurs ou clients – et parfois les deux, nous avons la vision sur la quasi-totalité des montants de TVA déductibles ou collectés. » Il s’agit d’une des nombreuses fonctionnalités prévues dans la feuille de route de Tessi pour l’année 2026.

Une autre grande étape à venir concerne l’usage transverse de la facturation électronique. En effet, « les données de facturation sont une vraie mine d’or à exploiter. Elles contiennent des informations qui ne sont pas forcément disponibles ailleurs et qui sont utiles à d’autres domaines de l’entreprise. » Parmi les cas d’usage émergents, la dimension RSE – reporting ESG prend une importance croissante. Par exemple, l’analyse des factures d’un acteur du bâtiment permet d’extraire des informations précises sur les types et quantités de matériaux utilisés, facilitant ainsi le calcul du bilan carbone.

Vers une nouvelle dimension des directions financières

Les différentes évolutions, actuelles et à venir, dessinent un nouveau visage aux directions financières : dépassant l’aspect purement transactionnel, elles deviennent un partenaire stratégique, capable de guider les décisions de l’entreprise. « Les données de facturation ne serviront pas uniquement la direction financière. », affirme François Quais. Cette vision transversale permet une cohérence globale dans la prise de décision et l’action. C’est particulièrement visible dans l’émergence des usages RSE, où les informations financières alimentent désormais les analyses environnementales et sociétales.

Concrètement, grâce aux technologies intelligentes, les talents sont libérés des opérations répétitives pour être repositionnés sur de l’analyse, l’anticipation et le conseil interne. « Les directions financières pourront se concentrer sur des tâches à forte valeur ajoutée, prédit l’expert. Les profils évolueront vers la data analytics plutôt que vers le traitement des factures et la gestion pure du recouvrement. » Les humains resteraient-ils donc irremplaçables ? C’est la conviction de François Quais : « L’IA est en appui de l’humain. Même si l’IA fournit des analyses sophistiquées, il faudra toujours les interpréter, les mettre en musique, les partager avec les autres services. »

Cette vision humaine et ambitieuse de l’intégration de l’IA dans le quotidien des directions financières s’accompagne d’une approche délibérément progressive. Plutôt que de prôner une rupture brutale, Tessi privilégie une évolution par étapes, fondée sur l’écoute des clients et l’identification de cas d’usage concrets : « c’est une transformation qui doit être avant tout pragmatique », conclut l’expert.