Votée fin décembre 2019, la loi de finances 2020 intègre un article qui va impacter l’ensemble des entreprises, de toutes tailles et tous secteurs d’activités : l’article 153, qui prévoit la généralisation de la facturation électronique interentreprises. Après les fournisseurs des établissements publics, déjà concernés dans le cadre du projet « Chorus Pro », la dématérialisation va donc s’imposer dans l’ensemble de la sphère privée.

Cyrille Sautereau,
Président du Forum national de la facture électronique (FNFE), fondateur d’Admarel Conseil

Cyrille Sautereau, Président du Forum national de la facture électronique (FNFE), fondateur d’Admarel Conseil


L’ambition du texte est triple : mettre en place une prédéclaration fiable de TVA, lutter contre la fraude à la TVA, et inciter les entreprises à digitaliser leurs processus. Pour Cyrille Sautereau, Président du Forum national de la facture électronique (FNFE), fondateur d’Admarel Conseil, « la volonté des régulateurs – en particulier l’administration fiscale – est de s’assurer que la TVA déductible a bien été collectée, et que toute la TVA collectée par les entreprises au travers de leurs ventes a bien été reversée à l’Administration fiscale. C’est un enjeu majeur, car la fraude à la TVA est estimée en France à plus d’une vingtaine de milliards d’euros par an. » 

Contrôle transactionnel continu ou modèle de « Clearance »

Quelle application va être faite de l’article 153, plus de neuf mois après le vote de la loi de finances ? Plusieurs mécanismes peuvent être mobilisés, notamment le contrôle transactionnel continu : « À chaque émission de facture, l’administration veut être informée quasi immédiatement des éléments de TVA associés, tant pour la collecte côté fournisseur que pour la déductibilité côté acheteur. L’objectif est aussi de constituer une pré-déclaration de TVA en appui des déclarations périodiques actuelles. » Un autre mécanisme vise un meilleur contrôle a priori des factures : il s’agit du modèle Clearance, basé sur une relation tripartite entre le client, le fournisseur et l’administration fiscale. L’émission de chaque facture est soumise à une approbation préalable de l’administration fiscale, qui opère un certain nombre de contrôles formels (présences de mentions obligatoires notamment). La facture ne peut ensuite être transmise que si les contrôles sont passés avec succès. Ce modèle, déjà appliqué dans de nombreux pays d’Amérique Latine, mais aussi en Russie ou en Chine, commence à concerner l’Europe. 

Dans les faits, deux applications de ces mécanismes sont envisageables. La première consiste en une plateforme nationale unique, recensant toutes les entreprises, réalisant le contrôle préalable de la facture et se chargeant de sa transmission au client final (modèle italien). La seconde complète ce dispositif par l’implication de prestataires de services certifiés, dont la mission est de répondre au même cahier des charges de contrôle que la plateforme nationale, puis de transmettre les factures. Cette deuxième option semble avoir la préférence des acteurs consultés, car elle apporte notamment de la flexibilité et permet de traiter tous les flux et formats existants : « Un format standard unique ne permettra pas de prendre en compte toutes les spécificités ». 

Une mise en œuvre progressive qui commencerait par l’obligation de réception

La mise en oeuvre dont le calendrier de déploiement est pressenti pour 2026 devrait aussi être complétée d’un mécanisme de « e-reporting » (contrôle transactionnel continu) pour permettre la constitution d’une pré-déclaration de TVA complète (pour les flux B2C, import, export, ainsi que pour des informations sur le paiement des factures a minima pour celles pour laquelle la TVA est déductible et collectée à l’encaissement). « Il s’agit d’un mouvement mondial important, d’abord apparu en Amérique du Sud et qui s’étend à de plus en plus de pays, dont en Europe le Portugal, l’Espagne, la Grèce, la Hongrie et la France », précise Cyrille Sautereau. « Etant donné qu’une obligation d’émettre n’est concevable que si le destinataire est obligé d’accepter, et étant donné qu’il est déjà prévu une progressivité de l’obligation, comme cela  a été fait pour le secteur public, il est très probable que la mise en œuvre commence d’abord par une obligation de réception pour toutes les entreprises, dès 2024, et une obligation d’émission progressive qui s’appliquerait d’abord aux grandes entreprises et entreprises de taille intermédiaire, puis au petites et moyennes entreprises ».

L’article 153, qui va impacter l’ensemble de l’activité économique, favorise ainsi un traitement plus rapide et efficace des factures : transmission plus rapide, partage de statut de traitement (reçue, comptabilisée, acceptée ou rejetée, mise en paiement) et donc plus grande transparence sur le suivi du traitement. « Mécaniquement, ce processus va réduire les délais de paiement, ce qui est un enjeu majeur pour les TPE et PME », indique Cyrille Sautereau, qui rappelle qu’un quart des fermetures d’entreprise est dû aux retards de paiement et aux difficultés de trésorerie associées. Des conséquences dramatiques que la crise sanitaire a rendues encore plus prégnantes. 


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