Jérôme Bordier, Directeur associé de la société de conseil et d’assistance SEALWeb

La digitalisation des services est en marche, et la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer cette tendance : malgré les confinements successifs, nous avons pu continuer à ouvrir des comptes en banque, échanger documents et informations avec les administrations, signer des contrats de travail ou vendre des biens immobiliers. « Plus que jamais, l’identité numérique s’impose comme un enjeu-clé, estime Jérôme Bordier, directeur associé de la société de conseil et d’assistance SEALWeb. Cet essor des usages nécessite de garantir l’identification et l’authentification de la personne qui réalise ces opérations. D’autant plus que la multiplication des parcours digitaux se traduit par des centaines de logins et mots de passe, plus ou moins bien gérés. Il s’agit donc de sécuriser l’accès aux services en ligne et de simplifier la gestion quotidienne des dispositifs d’identification ».

Simplifier et sécuriser le parcours client ou usager

L’identité numérique devient ainsi un objectif majeur pour les entreprises comme les administrations. Les dispositions règlementaires prévoient la généralisation de la facture électronique, d’ici 2023, pour le BtoB, quand, dans le secteur bancaire, la lutte contre le blanchiment et la prévention des fraudes appellent des garanties afin d’éviter tout risque systémique – par exemple, la création de milliers de faux comptes bancaires à distance. Deux exemples, parmi tant d’autres, de l’importance de l’identité numérique.

Or la France accuse un retard important dans son déploiement, comme le rappelle Jérôme Bordier : « Depuis l’adoption du règlement eIDAS – electronic IDentification And Trust Services – en 2014, au moins 15 pays ont notifié la Commission européenne de l’existence d’identités numériques fournies par des prestataires reconnus. La France, pour sa part, a transmis son schéma d’identité électronique en avril 2021… » Les pouvoirs publics ont pourtant tout intérêt à soutenir sa mise en place. Dans l’économie mondialisée, la compétitivité des entreprises va aussi dépendre de ce dispositif, qui simplifie le parcours client et facilite la vente à distance.

Des attentes fortes envers les pouvoirs publics

 « Passerelle » permettant à des services publics et privés d’intégrer les identités numériques des différents fournisseurs, France Connect peut sans aucun doute y contribuer. « Aujourd’hui, le volume d’usage de France Connect connaît une véritable explosion, les fournisseurs de services de confiance étant très enclins à l’intégrer », précise l’expert, tout en rappelant que la très forte appétence des entreprises est freinée par l’absence de modèle économique : « le fournisseur d’identité numérique doit avoir une perspective de retour sur investissement, tandis que les entreprises ont besoin de certitudes sur les coûts associés ».

La conséquence ? Une forme d’attentisme envers les pouvoirs publics pour déployer une identité numérique régalienne. Actuellement le seul fournisseur d’identité numérique à avoir atteint le niveau de sécurité substantiel est La Poste. D’autres structures publiques ont lancé des projets structurants, comme celui de l’application carte vitale porté par le GIE Sesam-Vitale.

Un cadre bienvenu : le cahier des charges de l’ANSSI

Mais cette dynamique pourrait bien s’installer durablement, grâce notamment à l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), qui vient de publier son nouveau référentiel concernant les prestataires de vérification d’identité à distance. « C’est la première fois en Europe, et sans doute dans le monde, qu’un organisme de contrôle prend l’initiative de produire un cahier des charges en la matière, indique Jérôme Bordier. Défini avec le concours du ClubPSCo, qui fédère les acteurs du marché, il offre un cadre de régulation aux prestations ». Le référentiel décrit en particulier le parcours usager visant à vérifier l’identité à distance : pièce d’identité présentée à la webcam ou au capteur vidéo du smartphone, enregistrement de mouvements aléatoires du visage, puis vérification automatisée de ces deux éléments, avant un contrôle humain obligatoire pour la validation.

Pour le citoyen ou le consommateur, le déploiement de l’identité numérique représenterait plusieurs avantages, qui deviendront demain incontournables. En permettant de réaliser des opérations et transactions à distance sans avoir à justifier systématiquement de son identité, cette identité fournit des gains de temps tout en garantissant davantage de simplicité et de sécurité. Pour le directeur associé de SEALWeb, « alors que l’usurpation d’identité, sur laquelle manquent encore des statistiques fiables et consolidées, pourrait monter en puissance, et que les technologies de deep fake représentent une problématique très forte aujourd’hui, les attentes sont fortes pour que les acteurs concernés garantissent un cadre de confiance à l’identité numérique ».


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