Arnaud Frémont, formateur et consultant en management pour le groupe de conseil Square

Les 13 et 14 octobre derniers, le GovTech Summit a rassemblé pour la quatrième année des chefs de gouvernement, décideurs publics et experts IT pour évoquer les problématiques de transformation publique dans un monde digitalisé. Kaja Kallas, Première ministre de l’Estonie, a présenté le leadership de son pays en la matière grâce au renforcement des infrastructures numériques et une utilisation marquée des technologies de blockchain. « L’Estonie a notamment inventé l’e-résidence, une identité digitale transnationale, précise Arnaud Frémont, formateur et consultant en management pour le groupe de conseil Square. Ce pays a atteint 99 % de numérisation de ses services publics, et les 2 % du PIB d’économies engendrées ont été réinjectées dans la poursuite de la modernisation de l’État. »

Si l’Estonie fait partie des nations les plus avancées, la dynamique s’inscrit aujourd’hui à l’échelle mondiale. D’après une étude de l’OCDE sur le sujet, trois objectifs sont particulièrement partagés par les pays membres de l’organisation : mieux comprendre les besoins des usagers ; simplifier les procédures ; numériser les services publics. « La France se positionne donc sur des thématiques faisant consensus, indique l’expert. Il existe une culture forte de l’administration dans notre pays, et une certaine réticence au changement, mais l’amélioration est déjà visible dans de nombreux domaines. »

Cap 22, Tech.gouv, DITP et DINUM : les bras armés de la transformation publique

La transformation publique est en marche depuis plusieurs années, avec par exemple la mise en œuvre du RGPP (Revue générale des politiques publiques) et de la MAP (modernisation de l’action publique) au programme des deux précédents mandats présidentiels. « Depuis 2017, on note une accélération des changements avec notamment la création de la DITP, Direction interministérielle de la transformation publique, de la DINUM, Direction interministérielle du numérique, et du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. » Les enjeux sont en effet de plus en plus importants : d’abord, d’un point de vue technologique, avec les avancées récentes en termes de gestion des données, de numérisation et de dématérialisation ; ensuite, avec la logique d’optimisation de la dépense publique ; enfin, dans les attentes des usagers, orientées vers la simplicité et la fluidité des démarches et une plus grande disponibilité des agents dans certains services publics.

Pour concrétiser ces ambitions, le programme de transformation Cap 22 a été mis en place en 2017 afin de digitaliser davantage de services publics, notamment les principales démarches administratives. La DINUM accompagne cette évolution à travers des méthodes de design de services et d’outils numériques. En complément, la stratégie Tech.gouv vise depuis 2019 l’accélération de la transformation numérique, avec plusieurs chantiers dont le soutien aux agents en termes d’outils et de formations.

Des progrès à confirmer dans le cadre du plan de relance

Pour Arnaud Frémont, « la crise sanitaire a démontré la pertinence du digital mais aussi mis en lumière les failles actuelles et l’importance d’y remédier. Les pouvoirs publics l’ont bien compris, en décidant de consacrer plus de 900 millions € à l’accélération numérique dans le cadre de France Relance et trois priorités : la généralisation de la fibre optique, y compris dans les territoires ruraux ; l’inclusion numérique, pour accompagner les personnes les plus éloignées de cette dynamique ; et la numérisation des collectivités territoriales, avec des besoins d’accompagnement technique et financier renforcé dans certains départements. »

Aujourd’hui l’ensemble des administrations ont engagé leur transformation digitale, dans une logique d’expérimentation et de partage des retours d’expérience. Cette transversalité, qui fait partie des objectifs de la DITP et de la DINUM, est formalisée par exemple avec le « Mois de l’innovation », pendant lequel les ministères, directions et collectivités valorisent leurs initiatives, bonnes pratiques et succès, à l’échelle locale comme nationale.

Cette dynamique vertueuse a encore des marges de manœuvre pour remplir pleinement ses objectifs. « Les usagers attendent plus de transparence et de prise en considération, et les pouvoirs publics commencent à y répondre avec la plateforme Services publics +, qui donne la possibilité de donner son avis et de faire remonter des irritants, précise le consultant. Le baromètre de l’action publique permet de visualiser les différentes politiques publiques mises en place localement. Enfin, l’utilisation du design et des sciences comportementales et cognitives contribue à orienter les comportements des usagers pour simplifier les démarches. » De quoi renouer progressivement avec la confiance et le crédit accordés aux services publics.


Des questions sur la transformation numérique des services publics