Comment expliquer que la date de passage obligatoire à la facturation électronique ait été plusieurs fois repoussée ? 

La facturation électronique devait effectivement être obligatoire à compter du 1er janvier 2023. Mais il s’avère que cette réforme du e-invoicing se double d’une réforme particulière, celle du e-reporting – liée à la transmission des données de transaction et de paiement. Les entreprises devront donc être en capacité de générer un fichier de données spécifiques normées qui va permettre d’automatiser un imprimé CA3 (déclaratif en matière de TVA). Cette réforme du e-reporting suscitait davantage d’interrogations jusqu’à maintenant, mais la date est bien arrêtée.

Comment les entreprises accueillent-elles cette échéance ?

Pour les entreprises qui ont bien compris que cette réforme nécessiterait de longs travaux, on constate qu’elles sont plutôt soulagées d’avoir ce délai supplémentaire pour se préparer correctement au passage à la facturation électronique.

En effet, cela est davantage vécu comme l’opportunité d’aborder la réforme avec le plus de sérénité possible pour effecteur un gros travail, car il faut auditer les flux, les cartographier, identifier les forces et les faiblesses du SI et des solutions déjà existantes dans les entreprises, choisir le bon partenaire, etc.

Quels types de solutions les entreprises devraient-elles aujourd’hui privilégier ?

Tel que le dispositif est prévu par l’administration fiscale – schéma en Y, les entreprises disposent principalement de deux modes de transmission des factures : soit en passant par une Plateforme de dématérialisation partenaire (PDP), qui devra être agréée par l’administration fiscale et figurer sur une « short list » qui répond aux exigences du cahier des charges de l’administration fiscale ; soit en se connectant au Portail Public de Facturation (PPF) une plateforme publique proposée par l’administration fiscale. 

Pour les grandes entreprises qui ont de fortes volumétries de factures avec le besoin de s’assurer que celles-ci répondent aux normes strictes, la PDP est quasiment un passage obligé. L’autre solution, le PPF, est admissible pour les entreprises qui sont de taille plus modeste, qui ont moins de volumétrie.

Un audit sur la base de différents critères doit être effectué pour savoir quelle PDP est la plus apte à optimiser l’existant. Celui-ci va permettre à l’entreprise d’envisager de plus vastes fonctionnalités en sus du socle minimal, avec des services complémentaires auxquels l’entreprise souhaite souscrire. Ce qui est intéressant est que les PDP proposeront des socles de services complémentaires et structurants, comme l’archivage des factures, qui est un point important de cette réforme.

En pratique, quelles problématiques les entreprises peuvent-elles rencontrer lors de ce passage à la facture électronique ?

Sur le plan juridique, il faudra s’assurer que le partenaire, par exemple s’il propose des options d’archivage, répondent aux normes, comme la norme AFNOR NF Z42-020. En matière de RGPD, il va y avoir d’autres problématiques du fait du nombre de données générées et figurant sur les factures. En matière de contractualisation, d’autres questions pourront se poser également quant aux clauses spécifiques qui devront être prévues pour sécuriser et encadrer strictement les obligations de la PDP. Il y a toute une série d’architecture et d’ingénieries juridiques à mettre en œuvre.

Au-delà de ça, certains de nos clients ne semblent pas avoir pris la mesure de la transformation à effectuer. Ils peuvent avoir l’impression que la réforme consiste à émettre des factures au format PDF, alors que demain, ils devront générer des fichiers embarquant des données structurées. On favorisera un mode de facturation via EDI (Échange de données informatisé) et des formats structurés type UBL (Universal Business Language), services pouvant être proposés par une PDP.

Nous devons d’abord faire preuve de pédagogie, pour expliquer aux entreprises l’évolution des modes de facturation attendus, ce que cela implique en interne, mais aussi le fonctionnement de transmission des factures puisque le chemin de transmission diffère. Ce n’est donc pas tant un changement technique qu’un changement de paradigme !

Quelles autres évolutions peut-on encore attendre concernant la facture électronique ?

Au même titre que l’Italie ou d’autres pays membres de l’Union Européenne ayant adopté la facture électronique, on peut s’attendre à de nouvelles indications de la part de l’administration fiscale en fonction de la manière dont les entreprises vont s’accaparer le sujet. Déjà, en 2023, sont attendues des précisions s’agissant de procédures de qualifications des PDP, cela va permettre d’aider les entreprises dans leur choix de solution. Et il va sans doute y avoir quelques évolutions avec d’autres mentions obligatoires qui pourront venir s’imposer en plus des quatre mentions déjà prévues. Aussi, des modes de transmission additionnels pourront apparaître et d’autres formats de facturation sont envisageables.

D’une manière générale, il faut s’attendre à encore plus de généralisation de la dématérialisation des documents, aussi bien en B2B qu’en B2C, comme c’est le cas avec le ticket de caisse électronique !



Rémi Gouyet, avocat spécialiste de la dématérialisation fiscale et fondateur du cabinet E-tax.


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