Gwenaëlle Bernier, Avocate Associée au cabinet EY – Tax Technology & Transformation Leader

Les échéances découlant du report de la réforme peuvent paraitre confortables pour mettre en place la facturation électronique BtoB. Il n’en est rien, et ce report de 18 mois de la date initiale est le bienvenu. « Les premiers textes un peu détaillés ont été publiés le 15 septembre 2021, d’autres sont attendus, indique Gwenaëlle Bernier, Avocate Associée au cabinet EY – Tax Technology & Transformation Leader. Ils permettront de mettre en œuvre les chantiers informatiques nécessaires, ce qui prend 18 mois à deux ans. La prise en compte du temps long est indispensable. »

Les grands contours de la réforme sont désormais actés : notamment les opérations concernées, la place des PDP (plateforme de dématérialisation partenaire) dans le dispositif, les impacts sur le BtoG (business to government). Il reste beaucoup à déterminer : le format technique, le modèle sémantique, le contenu des données par opération et opérateur, etc. « La DGFIP a entrepris un dialogue avec l’ensemble du monde économique autour de partages d’avant-projets de textes, notamment le document de spécifications techniques. L’objectif est d’identifier tous les points de blocage. »

Les limites posées par l’absence de normes et outils internationaux

Ce temps supplémentaire est déjà mis à profit. Les grandes entreprises, les premières à devoir appliquer la réforme, doivent réaliser l’inventaire de leurs besoins. Les éditeurs de solutions et prestataires de services ont demandé deux ans pour réaliser tous les développements nécessaires afin de s’adapter aux nouvelles exigences. Quant au cahier des charges pour devenir PDP (plateforme de dématérialisation partenaire), il n’est pas encore connu.

Plusieurs freins restent à écarter pour favoriser la transformation. « La réforme, qui vise la complète dématérialisation, implique des changements profonds de gestion comptable et fiscale, explique Gwenaëlle Bernier. Se concentrer sur des problématiques de qualité de données implique une vraie conduite du changement, qui impacte les méthodes et outils de travail. » Une autre limite concerne l’absence de norme internationale sur un format technique et structuré, accessible et non propriétaire, et sur un contenu de facture uniformisé. Cela rend complexe la mise en place d’une parfaite interopérabilité. Par ailleurs, dans le cadre de leur développement international et de la multiplication des législations plus ou moins semblables à celle que la France s’apprête à adopter, les entreprises se sont davantage orientées vers une approche « local to local ». Quand bien même des outils existaient déjà, le recours à un outil de facturation électronique « global to global » tend seulement maintenant à s’inscrire dans les réflexions.

Un palier supplémentaire en termes de gouvernance de la donnée

D’autres points de vigilance sont à prendre en compte dans le cadre de la réforme : la confidentialité des données opérables ; leur qualité, d’un point de vue fiscal ; et la vitesse de transmission, qui implique de mettre l’accent sur l’automatisation au sein de l’entreprise, tant pour la transmission que pour le contrôle de la donnée. « La facturation électronique implique un fort besoin de communication entre tous les métiers de l’entreprise, estime Gwenaëlle Bernier. L’approche transverse est donc à privilégier dans la conduite du changement pour permettre l’émergence d’une gestion de la fiscalité par la donnée. » Les entreprises auront ensuite à choisir leur partenaire, ce qui implique, selon l’experte, de « mener une évaluation en amont des apports respectifs du PPF (portail public de facturation), d’une PDP (plateforme de dématérialisation partenaire) et d’une plateforme de dématérialisation ». En fonction de leurs besoins, les organisations pourraient privilégier le portail public, en acceptant donc de disposer de moins de services à valeur ajoutée, ou choisir une PDP pour limiter les changements à opérer sur leur système d’information, par exemple. Par ailleurs, le futur cadre règlementaire peut représenter une opportunité pour réinventer la relation client. « La facture [électronique] n’est pas seulement un outil juridique, fiscal, comptable, c’est aussi une courroie de transmission d’informations entre le client et son fournisseur, indique Gwenaëlle Bernier. N’a-t-on pas intérêt à conserver uniquement les données juridiques et fiscales dans la facture électronique, et à envisager un autre support pour les données métiers, afin d’améliorer la relation business ? J’ai l’intuition que cette évolution sera la prochaine étape… ».


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