La fraude documentaire, un risque croissant

Dans le cadre de la location ou de l’achat d’un bien immobilier, plusieurs documents sont requis, tels qu’une pièce d’identité, un contrat de travail, des bulletins de salaires, une quittance de loyer, un avis d’imposition, ou encore, des documents liés au(x) garant(s). « On peut dire qu’il y a deux grands types de documents dans ces dossiers, résume Romain Le Formal. Ceux liés à l’identité des personnes et ceux qui concernent leur santé financière. Globalement, dans le secteur de l’immobilier, c’est surtout cette deuxième catégorie qui fait l’objet de fraudes lorsque l’on se place du point de vue du particulier. » Dans ce cas, la fraude est en effet motivée par l’idée d’améliorer son dossier afin d’apparaître comme l’acquéreur ou le locataire idéal.

Cette pratique s’est généralisée dans un contexte de concurrence accrue entre les candidats à l’achat ou à la location d’un bien immobilier et en raison de l’évolution des technologies qui facilitent la création et la modification de documents authentiques. « Les fraudeurs utilisent les logiciels de retouche d’image, mais aussi des sites web spécialisés, dont les outils sont de plus en plus sophistiqués, prévient Jean-Christian Valette. Désormais, certains sites sont capables de générer des documents factices passant les contrôles « simples », sans compter l’intelligence artificielle générative, qui accentue le phénomène. »

Quelles conséquences ?

Pour les bailleurs, ces fraudes peuvent mener à des loyers impayés, tandis que pour les locataires, elles peuvent aboutir à la résiliation du bail, même si les loyers sont payés, ainsi qu’à des peines de prison et amendes importantes. En effet, le délit de faux, comme l’usage de faux, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Si l’escroquerie est démontrée, les sanctions peuvent atteindre 5 ans d’emprisonnement et 375 000€ d’amende.

Par ailleurs, le risque pour les agences immobilières qui n’effectueraient pas les vérifications nécessaires est aussi bien réel. En effet, elles ne remplissent alors pas les obligations prévues par la réglementation en matière de Lutte Contre le Blanchiment des Capitaux et le Financement du Terrorisme (LCB-FT). À cet égard, l’attention portée par les autorités françaises au secteur de l’immobilier a été renouvelée depuis la mise en place d’un dispositif de sanctions européennes contre la Russie, en réponse à l’invasion de l’Ukraine. « Il y a vraiment une prise de conscience des professionnels du secteur en ce moment, raconte Jean-Christian Valette. On se rend compte que certains acteurs de l’immobilier n’appliquent pas, voire ne connaissent pas, leurs obligations en matière de LCB-FT. » Ce sont les conclusions de la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes), l’autorité de contrôle des professionnels de l’immobilier, et de l’organisme intergouvernemental indépendant GAFI (Groupe d’Action Financière) qui souligne entre autres le nombre insuffisant de contrôles et le faible nombre de déclarations de soupçons effectuées par le secteur.

De l’intérêt de sécuriser l’ensemble de la chaîne 

« Dans une autre perspective, il faut se demander ce que deviennent les documents une fois qu’ils ont été envoyés, alerte Jean-Christian Valette. Car les fraudeurs utilisent aussi le canal de l’immobilier pour récupérer des documents à des fins d’usurpation d’identité. » Ainsi, l’association France Victimes recense plus de 200 000 victimes d’usurpation d’identité en ligne chaque année en France. Il est évocateur de voir que le mode opératoire donné pour exemple est celui d’un usurpateur qui publie une annonce de location d’appartement en ligne. Avec un prix en deçà de celui du marché, il attire les internautes qui lui envoient alors leurs documents confidentiels, qui seront ensuite détournés à des fins malveillantes. À côté de ces pièges qui fleurissent sur les sites tels que leboncoin.fr, il existe aussi des procédés plus sophistiqués, avec de fausses agences dotées de vrais faux sites internet. Pour se protéger, le particulier peut adopter certaines bonnes pratiques, telles que l’utilisation de filigranes numériques (facilement accessibles sur la plateforme du gouvernement Filigrane Facile) sur les documents qu’il envoie ou la création d’espaces de dépôt sécurisés en ligne.

Les professionnels disposent d’un éventail de solutions pour sécuriser le contrôle, le dépôt, le partage et l’archivage des documents, que nous détaillons dans cet article. Car face à l’ingéniosité des fraudeurs, les acteurs de l’immobilier doivent renforcer leur vigilance et intégrer des solutions technologiques avancées pour protéger l’intégrité du secteur. L’émergence du wallet européen promet un avenir plus sécurisé, mais dans un futur encore lointain. De plus, il restera facultatif, et tous les documents ne seront pas concernés. La prudence et l’innovation restent donc aujourd’hui les meilleurs alliés pour lutter contre la fraude documentaire dans l’immobilier.


Digitaliser en pensant aux usages et apporter de la valeur ajoutée aux utilisateurs-locataires…