Comprendre l’évolution des usages
« Comme toute transformation, la lettre recommandée électronique se déploie graduellement. Le téléphone portable n’a pas remplacé le fixe du jour au lendemain dans toutes les entreprises, résume Christophe Lefrère, directeur d’affaires expert LRE chez Tessi. L’adoption de la LRE suit une tendance de fond, rythmée par des phases d’accélération. »
Cette évolution progressive a, en effet, connu plusieurs moments charnières, fruits d’événements conjoncturels ou d’évolutions législatives. En 2015, le règlement européen eIDAS, consacrant l’équivalence juridique entre recommandé électronique et postal, s’est érigé comme pilier fondamental. Puis, les évolutions réglementaires, notamment la loi Hamon, qui a explicitement validé l’usage de la LRE pour les échanges entre entreprises, ou la loi ALUR dans le domaine immobilier, ont servi de catalyseurs. Plus récemment, la crise sanitaire liée au Covid, en bouleversant le réseau de distribution postale traditionnel, a également donné un coup d’accélérateur aux recommandés dématérialisés.
« On constate qu’il n’y a pas de retour en arrière, souligne l’expert. La progression s’inscrit dans une dynamique irréversible, avec le secteur B2B à l’avant-garde. Une avance qui s’explique très simplement : plus de la moitié des recommandés sont adressés de professionnels à professionnels », précise Christophe Lefrère.
L’adhésion cruciale du destinataire
Le fonctionnement de la LRE repose sur l’adhésion du destinataire final. Sans elle, même les expéditeurs les plus motivés se heurteraient à des obstacles rédhibitoires. « Si une grande banque se mettait à envoyer 100 % de ses recommandés en électronique, mais que les destinataires n’adhéraient pas, elle se retrouverait avec des processus contentieux et des litiges qui seraient finalement plus longs à gérer », explique le directeur d’affaires de Tessi.
Pour maximiser cette adhésion, Tessi a développé une approche globale. Tout d’abord, la compréhension du parcours client, et l’identification des moments favorables pour introduire la LRE. « Pour adopter un nouvel outil, le destinataire doit être réceptif. Concrètement, par exemple, dans le secteur immobilier, nous recommandons d’utiliser d’abord la LRE pour les convocations aux assemblées générales. Le propriétaire est alors favorable à recevoir cette communication par voie électronique. Plus tard, si un appel de fonds n’est pas réglé, et qu’il doit y avoir une mise en demeure, il sera déjà habitué au processus. » Autrement dit, cette approche permet d’établir une familiarité avec l’outil avant son utilisation dans des contextes plus sensibles.
Tessi a également fait le choix de s’adresser à tous les profils de destinataires en proposant des solutions technologiques diverses. « Depuis le début, nous souhaitons proposer le spectre complet des technologies possibles : codes d’authentification, double authentification, codes OTP, certificats, PVID (vérification d’identité à distance par webcam), voire des envois de codes par courrier postal à domicile pour une utilisation digitale ultérieure… », détaille l’expert. Cette flexibilité permet de s’adapter au niveau de maturité numérique de chaque destinataire, des technophiles enthousiastes aux personnes éloignées du numérique.
Enfin, l’accompagnement des expéditeurs dans leur communication vers le destinataire final. « L’idée est que les expéditeurs disposent d’un bagage pour accompagner leurs destinataires, avec des kits de communication, des éléments pédagogiques, etc. », précise Christophe Lefrère.
Des bénéfices tangibles pour favoriser l’adhésion
Or, pour s’adresser aux destinataires finaux, les arguments ne manquent pas ! Ainsi, pour les particuliers, les recommandés électroniques représentent avant tout un gain de temps et de confort. « Recevoir un recommandé électronique, c’est éviter d’aller à la poste le samedi matin et d’attendre, parfois longuement », illustre l’expert. L’accès immédiat aux documents constitue également un avantage majeur, particulièrement dans des situations sensibles comme les sinistres d’assurance, où « les 3-4 jours de délai d’attente du recommandé postal pèsent psychologiquement ».
Pour les professionnels qui reçoivent des volumes importants de recommandés, d’autres bénéfices viennent s’ajouter. « Certains grands groupes reçoivent plusieurs centaines, voire plusieurs milliers, de LRE par jour. L’électronique permet d’avoir des métadonnées, de l’indexation et une distribution beaucoup plus fine… c’est un gain de temps considérable, qui se traduit facilement en économies ! » souligne Christophe Lefrère.
Par ailleurs, la sécurité et la traçabilité sont des atouts fondamentaux. « Par voie physique, il se perd entre 1,2 et 1,8 % des accusés de réception », rappelle l’expert. Avec la LRE, l’adresse e-mail est unique et les moyens d’authentification garantissent que seul le bon destinataire peut accéder au contenu. Cette fiabilité accrue s’avère, en outre, particulièrement précieuse pour les envois internationaux là où les réseaux postaux traditionnels offrent des garanties variables.
Au-delà de la LRE : l’orchestration intelligente des flux
La transition vers le recommandé électronique ne peut pas se concevoir comme un simple basculement technologique. « L’idée n’est pas d’opposer recommandé électronique et recommandé papier, mais de servir un objectif », explique Christophe Lefrère. Cette vision pragmatique guide l’approche de Tessi, centrée sur une orchestration globale des flux documentaires.
Plutôt que d’opposer digital et physique, l’entreprise a conçu une solution intégrée qui permet aux expéditeurs de déléguer entièrement la gestion de leurs recommandés. « Nous favorisons l’électronique parce que c’est plus économique, plus fiable, plus rapide, plus simple, mais si le papier est nécessaire ou pertinent, nous savons le faire et nous offrons le même niveau de traçabilité », insiste l’expert. Cette flexibilité s’inscrit dans une stratégie d’accompagnement global, où les campagnes peuvent être enrichies de relances par e-mail, SMS ou d’autres canaux complémentaires.
Cette approche s’appuie sur l’expertise historique de Tessi dans l’externalisation des processus documentaires (BPO) et témoigne d’une vision plus large de la transformation digitale, où la technologie reste au service des objectifs métier des entreprises.
Et demain ?
L’arrivée du règlement européen eIDAS2, prévue fin 2026, facilitera le déploiement des identités numériques à l’échelle européenne. Pour la LRE, l’impact sera significatif : les processus d’authentification, qui peuvent aujourd’hui représenter des étapes additionnelles et un frein à l’adoption, deviendront une simple formalité grâce à la réutilisation de ces identités numériques sécurisées.
De plus, dans un contexte où la confiance numérique est parfois mise à mal par les risques de fraude, notamment avec l’essor de l’intelligence artificielle, ce cadre réglementaire apporte une réassurance indispensable. « eIDAS2 vient rassurer le consommateur européen sur le fait qu’on prête une vraie attention à l’utilisation et à la sécurité de ses données », conclut l’expert. Une dimension essentielle pour transformer les habitudes et généraliser l’usage du recommandé électronique.